Bono a donné une longue interview à l'animateur Charlie Rose dans son émission « CBS This Morning ».
Pendant près d'une heure, il revient sur son engagement, l'action de ONE, la religion, l'implication des États-Unis pour lutter contre la pauvreté, mais parle également musique, du processus d'écriture, de U2 et du prochain album (furtivement).
Voici là vidéo de l'entretien
Et nous vous proposons la transcription des passages qui parlent de l'album et du groupe.
Charlie Rose : Qu'est-ce qu'un compositeur ?
Bono : Oula… Les chansons sont ma drogue. J'ai toujours du mal à croire que tu as la mélodie dans la tête, tu la notes, tu trouves les paroles pour cette mélodie, l'arrangement, et la minute d'après tu peux te retrouver dans une voiture à Tokyo et l'entendre à la radio. C'est vraiment la drogue que j'ai choisie. Les chansons sont tout pour moi et le groupe. Les gens disent que les chansons sont comme nos enfants. C'est faux, elles sont comme nos parents. C'est vrai ! Elles te disent quoi faire, comment te comporter, comment mal te comporter, comment t'habiller... Tout ce qu'on fait est ordonné par les chansons et c'est un processus mystérieux. Tu attends, elles te trouvent si tu es au bon endroit. Et ce n'est pas toujours agréable, ce n'est pas si simple, ça peut prendre du temps de tout réunir, j'en suis d'ailleurs là en ce moment. Mais quand elles arrivent, et ça a été le cas très récemment, c'est incroyable. Quand tu es en bas dans la mine, tu cherches de l'or, et que tu dois faire la différence entre l'or et le charbon, ça devient compliqué.
CR : Vous faites la mélodie, vous écrive les paroles, et The Edge rajoute quelque chose.
Bono : The Edge ajoute tout. Quand on travaille ensemble, on ne sait même pas qui va commencer. Parfois The Edge travaille sur les paroles, je travaille sur les accords et le piano, parfois c'est Larry, parfois c'est Adam. U2 est une chose étrange et les gens qui viennent et observent ça repartent très perplexes[NDLR : on aimerait bien voir ça !]. C'est dur de savoir qui fait quoi.
CR : Ca commence par une mélodie ou par des paroles ?
Bono : Ca commence souvent par une mélodie mais parfois avec les paroles. J'essaye et on essaye d'improviser la plupart du temps. Puis j'essaye de mettre des mots sur ce que la mélodie veut dire. C'est peut-être prétentieux mais les chansons sont comme des prières, c'est ce que nous pensons. Il faut être vrai envers soi-même, ou elles ne viendront pas. Et quand je dis vrai, je veux dire qu'il ne faut pas penser au sujet qu'on a en tête. Je pourrais écrire des chansons sur la pauvreté, c'est ce que j'ai à l'esprit, mais les chansons représentent davantage les préoccupations de l'esprit. Et tous les problèmes dont nous avons parlé aujourd'hui sont spirituels pour moi car j'ai soulevé un phénomène territorial, mais la famine est une chose complètement différente. La famille a été créée par l'homme. Les maladies peuvent être causées par une bactérie ou un virus mais les maladies pouvant être traitées sont liées une situation politique et économique. C'est une question de volonté.
CR : À nouveau la volonté et l'engagement
Bono : Oui. Alors quand on parle des chansons, c'est très différent, très bizarre, elles viennent d'ailleurs.
CR : Vous avez parlé de creuser, faire sortir de terre, donner naissance, peu importe la métaphore… Où en êtes-vous avec le nouvel album ? Un titre a été lâché, « 10 reasons to do something », vous l'avez donné, mais ce n'est pas le vrai titre.
Bono : Quelqu'un m'a demandé où on en était, ce qu'on cherchait, et j'ai parlé de « 10 reasons to exist », je voulais dire « 10 reasons to leave home », nous avons 10 excellentes chansons. Je ne suis pas sûr que le monde ait besoin d'un autre album de U2, il y en a déjà tellement là dehors. Et évidemment personne n'en a besoin à moins qu'il ne soit excellent. Et les gars avec qui je suis dans le groupe… je vous promets, on s'est dit qu'on pourrait attendre encore 10 ans s'il le fallait. Ils sont très honnêtes avec le public, ils ne se sont jamais relâchés, chaque nuit doit être la meilleure nuit de leur vie. C'est une chose étrange d'ailleurs. Tu joues le mardi soir à Birmingham, Alabama, choisissez le lieu.
CR : Vous devez vous rappeler où vous êtes.
Bono : Et ça ne peut pas être un soir normal, c'est comme si c'était la Saint-Sylvestre. Oui c'est la St Sylvestre, les gens ont économisé, se sont déplacés, ont acheté des billets, et ça doit être super ! Et les chansons doivent être supers, et pour ça il faut parfois les attendre. Quincy Jones m'a dit : « tu dois attendre que Dieu entre dans la pièce ». Je lui ai dit « Q, Dieu n'est vraiment pas fiable ». Et il a répondu : « il t'apprend la patience ».
CR : Et est-ce que vous attendez ou ça vous vient ? D'autres m'ont parlé de ce processus et disent qu'on ne peut pas attendre sa muse.
Bono : Tu dois commencer à travailler.
CR : Il faut commencer, comme de la plomberie. C'est un travail dur, il faut s'asseoir et lutter et essayer de la trouver.
Bono : Oui c'est vrai. Les artistes sont des plombiers. Ou des mineurs, peu importe. Mais je lutte vraiment contre l'idée qui dit que les artistes sont au-dessus du conflit, ils ne sont pas préoccupés par les choses qui nous préoccupent, comme la stratégie ou le positionnement de la politique ou des affaires. C'est n'importe quoi ! Je suis sûr et certain que nous sommes, et je m'inclus là-dedans, des créatures très égocentriques, narcissiques.
CR : Mais pourriez-vous faire de l'art si vous n'étiez pas comme ça ?
Bono : Peut-être que les autres projets que je fais à côté me permettent d'équilibrer tout ça.
CR : Équilibrer avec quoi ?
Bono : Passer de l'abstrait au concret. Être artiste est une chose étrange. Je crois qu'il est juste important de savoir que nous sommes des plombiers, des mécaniciens. […]
CR : U2. Comment avez-vous fait pour durer ? Et quel engagement cela suppose-t-il afin rester comme vous êtes ?
Bono : Nous sommes aussi bons que nos arguments. Et j'ai trois des meilleurs arguments de la planète dans ce groupe. Et ils sont très intègres, vraiment. Je les aime. Je sais qu'ils sont gênés par moi, je sais qu'ils ont parfois du mal avec mon activisme. Mais ils soutiennent vraiment tout ça. Et ils sont très drôles à ce sujet. Sur la dernière tournée, ils ont soutenu le Global Fund, encore davantage que certains pays, avec 12 millions de dollars je crois. Ils ne pratiquent pas la philanthropie publique et le seul moyen pour moi de les faire parler c'est par le biais de partenariats privés/publics, là ils le feront, comme avec Music Generation qui réunit 10 000 personnes en Irlande payées pour avoir des cours de musique. Je peux dire ça uniquement parce qu'il s'agit de financement pour réaliser un projet, et qu'il fallait donc déclarer cet argent. Mais la plus grosse partie de leurs actions et de leur personnalité est dans l'ombre. Et la plus grosse partie de ce que je suis est dans la lumière. […]
CR : Vous dites que vous avez plus besoin du groupe que lui n'a besoin de vous.
Bono : C'est vrai.
CR : Vous avez dit ça.
Bono : Oui. Et c'est toujours vrai.
CR : « Prenez tout, mais pas ma capacité à faire de la musique avec ces gars-là ».
Bono : Ni la personne que j'aime, la personne avec qui je partage ma vie, Ali. J'ai rejoint le groupe pour pouvoir lui demander de sortir avec moi. C'était une belle semaine. J'ai besoin de ces personnes. Je ne peux pas fonctionner sans eux. Non.
Avec les indices donnés, on peut penser que Bono est encore en phase d'écriture sur l'album et qu'il ne s'appellera donc pas « 10 Reasons to Exist » ; il s'agissait d'un titre donné comme ça par Bono pendant une interview.
Par U2achtung / Lien permanent vers la news